Armoise Artemisia Vulgaris
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Armoise Artemisia Vulgaris : Les vertus médicinales de l’armoise vulgaire
Ce sont les feuilles, les sommités fleuries et les racines qui sont traditionnellement utilisées en herboristerie traditionnelle.
En tisane, on fait infuser 1 grammes à 1,5 grammes de plantes sèches pour 250 ml d’eau, à boire environ 30 minutes avant les deux repas pour stimuler les fonctions digestives ou entre les repas pour les autres effets recherchés.
D’après le docteur Jean Valnet, pour traiter l'aménorrhée, on l’utilise pendant les 10 jours précédant l’arrivée théorique des règles. Elle serait encore plus efficace associée à la menthe pouliot. Pour traiter les douleurs de règles, on peut aussi la consommer avec la camomille allemande et la mélisse.
On peut également consommer l’Armoise vulgaire sous forme de teinture ou de poudre de plantes.
Quelles sont les caractéristiques de l'Armoise ?
Dénomination latine :
- Artemisia vulgaris L.
Famille botanique :
- Asteraceae
Organes producteurs :
- Sommités fleuries
Un peu d'histoire :
Cette plante herbacée, originaire des régions tempérées comme l'Europe, l'Amérique du Nord et l'Asie, est connue depuis l’Antiquité ; les Gaulois la nommaient « ponema » mais le nom de genre fait référence à Artémis, déesse grecque de la nature et de la chasse, associée à la femme, et aux problèmes féminins.
En médecine chinoise, on l’utilise pour faire des moxas : bâtonnets d’armoise séchée que l’on fait brûler à proximité des points des méridiens pour les chauffer. Ce principe est utilisé en moxibustion.
L’Artemisia Vulgaris L. est aussi appelée « herbe de feu ». Ce nom lui a probablement été donné parce qu’on portait l’artémise en chapelets (associé à la verveine) lors de la Fête de la Saint-Jean au Moyen Âge. Ceci a encore été attesté jusqu’au XVIe siècle en Allemagne. On regardait à travers des gerbes/bouquets de pieds-d’alouette en portant ce chapelet le feu de Saint Jean. Ceci était censé protéger les yeux et la santé en général pendant toute une année. En partant de la fête ils jetaient le chapelet dans le feu en disant « que toute ma malchance brûle avec ceci ».
Le Grand Albert indique que l’armoise possède toutes les vertus : « Celui qui a soin d’avoir toujours sur lui cette herbe ne craint point les mauvais esprits, ni le poison, ni l’eau, ni le feu et rien ne peut lui nuire ».
Les Aztèques et autres indiens des Amériques utilisaient l’armoise pour des rituels et la médecine. Depuis les époques reculées en Europe l’herbe était un remède contre la fatigue et pour protéger les voyageurs contre les mauvais esprits et les animaux sauvages.
Les indiens utilisent l’armoise toujours comme "sauge". Ils utilisent l’herbe pour la purification spirituelle, pour chasser des mauvais esprits et des énergies négatives. Des faisceaux de feuilles de Calamus avec l’armoise sont toujours utilisées comme talisman pendant le festival des bateaux dragon.
On dit que l’armoise est utile pour l’induction de rêves lucides et du voyage astral. Fumer ou consommer de l’armoise sous forme de plante ou en solution avant de dormir pourrait intensifier les rêves ou leur contrôle et aider à s’en souvenir. Au Mexique, l’herbe est souvent fumée comme substitut de la marijuana.
L'armoise était mentionnée en médecines grecque (Dioscoride, Ier siècle) et arabo-persane (Avicenne, Xe siècle) contre les maux de tête, le rhume, le coryza et pour provoquer ou réguler les règles. Ibn al Baytar (XIIIe siècle) rapporte aussi son usage dans les vertiges et comme vermifuge. Plusieurs espèces d'armoises correspondent probablement à l'armoise des pharmacopées anciennes arabes comme Artemisia herba alba en Afrique du Nord ou Artemisia cina au Moyen-Orient.
Le nom de l'herbe-aux-cent-goûts vient du XIIe siècle. En effet, c'est Sainte Hildegarde qui recommende de la cuire comme légume; mangée de la sorte, "elle soigne les intestins malades et réchauffe un estomac froid (...)".
Elle aurait servi dès le Moyen-Age à fabriquer de l'encre à écrire de couleur bronze par addition de sels d'alun et de fer.
Au XVIIIe scièle, en Normandie, on l'utilisa pour teindre la laine, en nuances "musc" et "olive". Les colorants de l'armoise sont réputés solides. Hormis quelques autres utilisations dans le Nord de l'Europe, la plante n'a pas retenu l'attention des teinturiers, car elle contenait trop peu de matières colorantes pour être employée avec avantage.
Cazin (XIXe siècle) considère les parties aériennes comme stimulantes, antispasmodiques et rappelle que la racine est réputée utile dans l'hystérie et l'épilepsie depuis le XVIe siècle. Il préconise le suc d'armoise pour faire venir les règles et lutter contre la chlorose. Fournier (XXe siècle) ajoute une action contre la fièvre et la jaunisse ainsi qu'une stimulation de la diurèse au niveau des reins.
Sans doute fallut-il être gêné par la personne d’Artémis pour oser supposer qu’on devait l’armoise à la veuve et sœur de Mausole, reine de Carie, Artémise, soi-disant experte en gynécologie (nous verrons, avec le portrait qu’on dressera d’Artémis tout à l’heure, que la relation de l’armoise à la déesse dépasse ce simple cadre).
Après, qu’on raconte qu’Artémis aurait découvert et fait connaître cette plante au centaure Chiron, lequel la nomma du nom de la déesse, n’est là qu’un détail de peu d’importance. Ces quelques accessoires préliminaires permettent de situer à peu près les débuts (connus de longue date) d’une histoire commune à l’être humain et à l’armoise, même si des éléments nouveaux, ignorés il y a un siècle, chamboulent les représentations.
C’est ainsi que l’anthropologue allemand Christian Rätsch a signalé d’abondantes traces d’armoise aux abords du site de Lascaux. Cette information recule, de fait, la collaboration entre l’homme et cette plante à pas loin de 20 000 ans (si, bien entendu, cette armoise retrouvée à l’état fragmentaire, est bien contemporaine de la période d’occupation du site et de réalisation des peintures et gravures rupestres qui en forment l’ornement, et dont la datation est estimée entre 18 000 et 17 000 ans avant J.-C.).
Si l’on se contente de considérer les seuls trois derniers millénaires, force est de constater que la carrière de l’armoise débute assez timidement : par exemple, elle est peu citée par les auteurs de la collection des traités hippocratiques qui lui accordent cependant une attention au sujet de quelques affections de la matrice auprès de laquelle elle intervient, Hippocrate se risquant même à lui concéder le pouvoir d’expulser l’arrière-faix. Qu’est-ce que l’arrière-faix ? Excellente question : en termes actuels, on appelle cela le placenta. Et le pater étant à la patrie ce que la mater est à la matrice, nous pouvons assister, sous nos yeux ébahis, à l’accouchement de la plus grande raison d’utiliser l’armoise en thérapeutique : c’est une plante de la femme (et en partie de la mère, mais pas seulement), c’est pourquoi c’est un grand remède gynécologique (du grec gunế, « femme »).
C’est vrai que lorsqu’on prend connaissance de ce que Dioscoride et Pline disent « de l’armoise, que les Grecs, Latins et Italiens appellent artemisia », la plante penche effectivement du côté de la femme, section bas-ventre. Écoutons Pline sur ce point : « L’artemisia pilée introduite dans un pessaire fait avec de l’huile d’iris, une figue ou de la myrrhe, est un bon remède pour la matrice ; sa racine, en boisson, la vide tellement qu’elle en expulse les fœtus morts. La décoction de ses rameaux, employée en bain de siège, fait venir les règles et sortir l’arrière-faix ; une drachme de ses feuilles en potion agit de la même façon. Celles-ci sont en outre bonnes pour ces usages, en application sur le bas-ventre avec de la farine d’orge » afin de préparer la parturiente et de provoquer, quand besoin est, les contractions nécessaires à un bon accouchement.
Après cela, quand Dioscoride ajoute à ce qui a déjà été dit que l’armoise est lithontriptique et diurétique, que Galien, qui a dû paumer un truc en route, la dit modérément efficace pour les inflammations de la matrice, ne viennent plus que les tardifs Aetius, Paul d’Égine et Alexandre de Tralles qui font les coucous, répétant mot pour mot les paroles de leurs prédécesseurs. En clair, ils n’ajoutent rien de neuf, mais l’armoise n’aura pas trop à pâtir de ce manque d’imagination à son endroit.
Placée sous le patronage de la sœur d’Apollon, c’est indubitablement une plante de la Femme que l’armoise, car, comme on le disait encore au XX ème siècle dans les Alpes de Haute-Provence, « si tu connais les vertus de l’artémise, porte-la dans ta chemise » (de nuit). Oui, pourquoi s’en priver ?
On ne s’en prive tant pas qu’on pouvait encore lire dans le Dictionnaire de Trévoux, qui date tout de même du XVIII ème siècle, que « l’armoise est recommandée pour les maladies des femmes ». Mais entre les antiques Dioscoride, Pline et consorts, et le siècle des Lumière, l’histoire est émaillée d’exemples qui montrent que la plante armoise n’eut pas à rougir du bien-fondé des espérances qu’on plaça tôt en elle et qu’elle sût se faire une place, devenant maîtresse à l’école des femmes.
Au IX ème siècle, le moine poète qu’était Walahfrid Strabo appelait l’armoise « mère des plantes », suivi, dans les mêmes termes, par Odon de Meung deux siècles plus tard. Si ce dernier entame son De viribus herbarum par cette plante, c’est très certainement volontaire de sa part. Voici ses premiers mots : « Au début d’un poème où je me propose de dire les vertus des herbes, celle qu’on appelle communément mère des plantes, et qui a reçu des Grecs le nom d’armoise, s’offre naturellement à mes chants ». Communément, dit-il. Cela signifie donc, qu’à l’entour de l’an 1000, l’armoise n’avait rien perdu de son antique prestige en Europe occidentale,et qu’elle est toujours, bel et bien, une plante destinée aux maladies des femmes.
C’est bien par cela qu’il débute son exposé : elle fortifie les organes génitaux féminins, favorise les menstruations, régularise les règles, tout en en soulageant les douleurs et l’abondance. De plus, elle trouve sa place lors de l’accouchement, qu’elle permet de faciliter. Mais d’entre la masse de toutes ces informations, une chose, que nous avions jusqu’à présent tenue sous silence, émerge petit à petit, quand bien même Pline y faisait déjà référence : on évoque le pouvoir abortif de l’armoise, ce qui l’aligne sur le même plan que la rue fétide, le genévrier sabine et la sauge officinale.
C’est en ces termes que cette propriété est libellée par l’école de Salerne : « Par elle, promptement l’avortement s’opère. En pessaire, en boisson, produit le même essor ». Le pessaire permet l’application locale, ici génitale, d’un médicament. On croise ce terme dans le serment d’Hippocrate : « Je ne remettrai à aucune femme un pessaire abortif » (c’est-à-dire un pessaire détourné de sa fonction initiale). Bien évidemment, au Moyen-Âge, vaste période, l’on n’utilise pas l’armoise pour ces seules raisons, ses qualités gynécologiques ne pouvant occulter toutes les autres propriétés qui surent, tant bien que mal, se frayer un chemin comme, par exemple, ses vertus diurétiques, lithontriptiques (contre la gravelle, plus précisément) et anti-ictériques (qu’on lui reconnaît toujours, mais qui ne forment en aucun cas le gros de sa panoplie thérapeutique).
Plus rarement, on la dit cordiale et stomachique, en particulier chez Hildegarde de Bingen, où celle qu’elle appelle Biboz est mise à contribution afin de calmer les intestins malades et les douleurs après les repas, et pour réchauffer les estomacs froids et torpides. De même, elle s’applique profitablement sur les ulcères, les plaies infectées et enflammées. Hildegarde n’en dit pas davantage à son sujet, ni n’aborde ce qui, jusqu’à présent, aura fait couler beaucoup d’encre de la part des thérapeutes, c’est-à-dire sa fonction de fer-de-lance gynécologique. Ce n’est pas parce qu’Hildegarde ne fait pas état des propriétés emménagogues de l’armoise qu’elles doivent être révoquées en doute, puisque comme le mentionnait Cazin au XIXe siècle, elles « ont été préconisées par les médecins de l’Antiquité et constatées depuis par tous les praticiens », à savoir Jean Fernel, Zacutus Lusitanus, Simon Paulli, Diego de Torres, Nicolas Lémery et tant d’autres encore, contrairement à une infime minorité qui ont refusé d’en considérer l’action sur la sphère génitale.
Voilà qui va faire plaisir à la déesse Artémis, « déesse des terres sauvages, et qui préside aussi aux passages matériels et symboliques », savoureuse définition qu’il importe de bien décortiquer afin de mieux comprendre ce que représente Artémis, au-delà des aspect les plus communément admis.
Artémis « est l’antique maîtresse des bêtes fauves – la potnéa therôn de l’Iliade ; elle les chasse, mais aussi les protège des hommes, ainsi que toute la nature sauvage qu’elle préserve intacte, ainsi qu’elle entend elle-même le demeurer ». Son arc et ses flèches, ses activités de chasseresse, ne sont pas, globalement, typiquement féminins durant l’époque de l’antiquité grecque classique. Tout cela la rapproche quelque peu de l’Amazone, mais avec laquelle on ne saurait la confondre. Le mot « intacte » est d’importance, puisqu’il est le reflet de la signification d’artemisia qui, en grec, signifie « intégrité » (et par extension « bonne santé » comme nous l’explique Jacques Brosse).
Mais quelle est donc cette artemisia qui assure l’« intacteté » des femmes ? Eh bien, il s’agit de l’armoise qui place, de fait, Artémis en opposition à Aphrodite sur le plan symbolique. Cette dernière accueille avec bienveillance l’amour des hommes, que la première repousse, étant animée, en tant qu’avatar féminin intègre, par une haine viscérale de l’homme (du mâle, faut-il entendre) et de l’amour qu’il est susceptible de porter à telle ou telle. De plus, comme Aphrodite a tendance à houspiller les jeunes filles qui négligent son culte, qui s’enferment dans la virginité, l’on comprend dès lors qu’elle s’acharne sur celles qu’Artémis prend sous sa protection (on imagine alors le devenir d’une jeune fille en proie à ces deux forces contraires…).
Artémis prend donc sous son aile les enfants, et plus précisément les fillettes impubères, les jeunes filles et femmes vierges, ainsi que les femmes plus âgées et affranchies des « calamités de la menstruation ». Artémis se situe donc au début de la vie d’une femme et à la fin, deux périodes concernant la puberté et la ménopause. Entre les deux, l’on pourrait penser qu’elle n’intervient pas, laissant le champ libre à Aphrodite. Pas exactement. Si Artémis s’avère pacifique et bienveillante auprès des fillettes et des femmes ménopausées, elle peut néanmoins faire preuve de sévérité et de cruauté envers celles qui lui manquent de respect. Parce que lunaire, Artémis est forcément ombrageuse.
On dit aussi qu’elle se porte parfois au chevet de la parturiente : c’est vrai, et ce n’est pas pour rien que l’armoise facilite le travail des femmes en couches, dont elle peut hâter la délivrance, ce qui « paraît, a priori, peu conforme à la nature de la chaste déesse, et ce n’est là probablement qu’une fonction secondaire ». Celles-là, ni impubères, ni ayant dépassé l’âge de la maturité au-delà duquel la procréation n’est plus possible, Artémis leur est tout de même secourable, puisque, étant aussi une divinité de la Lune qui régit les cycles féminins, elle a tout de même un peu d’effet sur ce point (étymologiquement, on observe une grande similitude entre le latin mensis, « mois » et le grec mene qui désigne l’astre lunaire).
Ainsi, Artémis n’est pas une sage-femme, mais a su incarner ce rôle, en particulier lorsqu’à son nom on associe l’épiclèse d’Ilithyie. Fille de Zeus et d’Héra, équivalente de la romaine Lucine, Ilithyie, maïeuticienne divine, préside aux accouchements lors desquels elle peut intervenir pour en ralentir le cours ou, au contraire, l’accélérer si besoin est. Le légendaire grec ancien affirme même que c’est elle qui mit au monde Artémis !
Mais elle n’était pas moins coriace, puisqu’« elle punissait le manque de chasteté en augmentant les douleurs de l’accouchement, et pour cette raison elle était crainte des jeunes filles. Les naissances trop fréquentes lui déplaisaient également ». C’est peut-être en raison de ces naissances excessives qu’on convia l’armoise (qui n’est censée intervenir qu’avant et après la grossesse, mais jamais pendant), puisque, comme nous l’avons dit tout à l’heure, l’armoise se range au nombre des abortives.
Au cours de son histoire médicale, certains doutèrent de cette possibilité, alors qu’on alla jusqu’à la surnommer felon herb en anglais, où le mot felon prend le sens de « criminel ». Par ses qualités emménagogues, on considère l’armoise comme une plante capable d’expulser hors du corps les impuretés. Parallèlement, sa vertu vermifuge la rend apte à purifier l’organisme des corps étrangers qu’il abrite. Or, il faut savoir que « le fœtus est considéré comme un parasite qui vit au détriment de l’organisme maternel ». Ainsi, grâce à l’armoise abortive, Artémis « permet encore à la femme de se délivrer ; certes, une telle miséricorde peut surprendre de la part d’une déesse aussi intransigeante, mais ne libère-t-elle pas ainsi la femme de l’imprégnation du mâle détesté », la purifiant, lui faisant presque retrouver son état premier ?
Il y a, au musée du Louvre, une statue de près de deux mètres de haut représentant Artémis (aka Diane de Versailles). Elle maîtrise de la main gauche (qui ne tient plus qu’un fragment d’arc) un cerf bondissant bien plus petit qu’elle, et de la main droite, où son regard se dirige, extraie de son carquois une de ses flèches avec un geste sûr, de la même façon que l’armoise est censée extirper un vers de l’intestin ou bien un fœtus de l’utérus. Voici donc en quoi Artémis est une divinité ombrageuse.
Déjà, chez les Grecs de l’Antiquité, on avait accordé à l’artemisia une valeur thérapeutique cruciale sur l’insensibilité des nerfs, les paralysies, la contraction des muscles, en somme sur ce qui « immobilise », sur les maladies des nerfs en général, l’épilepsie en particulier. Or, nous dit-on, « les propriétés de l’artemisia sont en relation avec la planète Arès. On rappellera tout d’abord que celle-ci était associée à la guerre, à la violence, aux hurlements, aux excès et qu’elle provoquait les éruptions fébriles et les paralysies. Autant d’affections que la plante a le pouvoir de guérir. Quant à l’épilepsie et aux troubles nerveux contre lesquels la plante passe pour être efficace, leurs crises, qui frappent brutalement, à l’improviste et de façon spectaculaire, en tordant et secouant le corps, ne se signalent-elles pas généralement par leur violence ? ».
De même que ses propriétés emménagogues, la capacité de l’armoise à entraver l’épilepsie n’a pas été abandonnée en chemin, puisque très nombreux ont été les praticiens (Jérôme Bock, Matthiole, Simon Paulli, Fernel, Schröder, Hufeland, Ettmüller, Joel, Lœvenhœck, etc.), en particulier entre les XVIe et XVIIIe siècles, à vanter les bienfaits de la racine d’armoise vulgaire contre ce que l’on appelait le haut mal, une réputation qui ne s’est pas cantonnée qu’aux seuls médecins, mais qui s’est répandue aux campagnes où « le peuple croit mal à propos que l’on trouve sous la racine de l’armoise un charbon [nda : en réalité, des fragments de vieilles racines noircies], qu’il faut l’y chercher la nuit de la veille de la Saint-Jean-Baptiste et que ce charbon est un souverain remède contre l’épilepsie ».
Ainsi tempêtait le Dictionnaire de Trévoux au XVIIIe siècle. Ayant été rédigé par des religieux, on peut comprendre ce que ces pratiques peu chrétiennes et impies pouvaient avoir de révoltant pour certains hommes d’église. Arrivés à ce stade, nous devrions concéder qu’on baigne ici davantage dans la magie que dans la médecine, mais quand cette dernière fait défaut, qui plus est à la campagne, pourquoi ne pas s’en remettre à ces alternatives ? D’autant que l’on unissait une plante réputée anti-épileptique à un rituel se déroulant dans des circonstances précises et faisant intervenir un saint, Jean le Baptiste, patron des épileptiques ! L’on ne sera donc pas surpris du large usage magique qu’on a fait de l’armoise.
Connue comme étant l’une des sept (soi-disant) plantes de la Saint-Jean, l’armoise était cueillie préférablement au moment du solstice d’été, de préférence à l’aurore, avant que les rayons du Soleil n’aient pu toucher la Terre, dans le signe de la Vierge (est-ce là une probable référence à Artémis ?).
À propos d’une armoise dite rouge, Paul Sédir conseillait d’en effectuer la cueillette « après la pleine Lune qui termine les jours caniculaires », c’est-à-dire tout de même bien loin du solstice d’été ou de la Saint-Jean (24 juin). Pour Sédir, cette armoise avait une prévalence sur l’armoise vulgaire (non rouge, donc). Cette armoise ne semble pas être une espèce à part entière, ni une variété : sans doute s’agit-il de ces armoises dont les plus fortes tiges rougissent à leur pied (et même au-dessus), ce qui a pu être perçu comme un signe des propriétés emménagogues de la plante, mais surtout comme « celui de la ‘domination’ que la planète Arès exerçait sur elle ».
Nous ne nous étendrons pas davantage sur la relation au rouge et au sang de l’armoise, mais signalons néanmoins aux lectrices et lecteurs avides d’anecdotes, que « l’infusion aqueuse de l’herbe récente est rougeâtre » et que « son suc rougit le papier bleu ».
Il existe bien d’autres rituels mettant en œuvre l’armoise que celui de la jeter dans le feu de la Saint-Jean afin de prévenir ou de guérir l’épilepsie, quand cela n’était pas tout bonnement la danse de Saint-Guy. Certains rituels valaient pour l’année entière, qu’il s’agisse d’une immunité complète face à toutes sortes de maladies ou de bannir les influences maléfiques qui prennent des formes très variées. J’ai collecté bien des informations sur les pouvoirs rituels et magiques de l’armoise : en voici une synthèse non exhaustive.
- La protection du foyer est assurée par l’armoise : un bouquet d’armoise conservé chez soi et régulièrement renouvelé, en repousse les esprits mauvais, les démons, les diables dissimulés, les fantômes effrayants, les charmes et mauvais enchantements, le mauvais œil, la malchance, les dangers liés à l’eau, au feu et à l’air infecté. Qu’elle soit fixée au linteau des maisons comme protection intégrale, sous forme de bouquets ou de petites figurines confectionnées avec des brins d’armoise que l’on suspend ensuite aux portes et aux fenêtres des habitations, des granges et autres dépendances, pour protéger, c’est-à-dire prévenir et purifier, autrement dit soigner sinon guérir, il n’y avait pas une problématique que l’armoise ne puisse résoudre.
- L’on fumigeait l’armoise, comme un encens ; on en fabriquait, comme en Sicile, des croix conservées d’une année sur l’autre (placées dans les étables, elles avaient pour vertu de calmer les bestiaux indomptables) et dans un sachet porté sur soi de dénouer l’aiguillette (ce qui est fort curieux), de se protéger des poisons, des venins (en écartant les animaux venimeux comme les grenouilles et les rainettes), les morsures de bêtes féroces, etc.
- Pour finir, évoquons trois points essentiels à travers lesquels l’armoise a joué un rôle parfois fort étonnant :
« Une plante associée au dieu des Orages ne peut que prendre part aux pratiques magiques liées au temps. Bien après l’apparition du christianisme, les paysans récoltaient l’armoise et en garnissaient leur porte afin d’éloigner la foudre », et parfois aussi la grêle et le tonnerre.
Plante divinatoire, l’armoise procurait des visions prophétiques. Pour qu’une femme puisse voir en rêve le visage de son futur fiancé, elle passait un rameau d’armoise dans les flammes du feu de la Saint-Jean, qu’elle s’empressait ensuite de placer sous son oreiller le soir du solstice d’été. L’infusion d’armoise permettait aussi de purifier les boules de cristal et l’« on dit aussi qu’en enduisant de suc d’armoise un miroir d’acier et en le fumigeant, on y voiyait les esprits évoqués ».
Il paraît que le légionnaire romain glissait de l’armoise dans ses caligæ afin d’amender ses pieds des efforts de la marche. Ce n’est pas moins que ce que l’on trouve dans l’œuvre du Pseudo-Apulée ou dans celle de l’auteur anonyme du Carmen de viribus herbarum : l’armoise console les cuisses et les pieds des douleurs et fatigues éprouvées durant un long voyage. Cette antique réputation s’est transposée dans les Grand et Petit Albert. Voici ce que dit le premier : « Quand on veut entreprendre un voyage facilement et sans se fatiguer, on portera à la main l’herbe qu’on nomme armoise, et on s’en fera une ceinture en marchant ; ensuite qu’on fasse cuire cette herbe, et qu’on s’en lave les pieds, on ne se lassera jamais ». C’est maintenant au tour du Petit Albert de nous révéler le Secret de la Jarretière pour les Voyageurs, que voici ainsi résumé : il faut « se bander les jambes de lanières découpées dans la peau d’un jeune lièvre, dans lesquelles on aura cousu de l’armoise séchée à l’ombre, pour voyager à pied plus vite et plus longtemps qu’à dos de cheval ». Le choix du lièvre, animal leste et vigoureux, n’est sans doute pas innocent : il permet de souligner les vertus toniques et stimulantes de l’armoise. Ceci dit, le lièvre, comme l’a montré la fable, n’est pas un animal hyper endurant…
Angelo de Gubernatis, qui a éclusé pas mal de contes, mythes et légendes d’Europe, nous fournit les fragments d’une jolie histoire qui se déroule dans un district russe, frontalier avec l’Ukraine, Starodubskij. Une jeune fille, venue dans la forêt pour y cueillir des champignons, fait la rencontre d’un grand nombre de serpents, et, à la manière d’Alice, plonge dans un trou de la terre et y séjourne de l’automne au printemps suivant. « A l’arrivée du printemps, les serpents s’entrelacèrent de façon à former un escalier, sur lequel la jeune fille monta pour sortir du trou. Mais en prenant congé […], elle reçut en don la faculté de comprendre le langage des herbes, et d’en connaître les propriétés médicinales, à la condition de ne jamais nommer l’armoise […] ; si elle prononce ce mot, elle oubliera tout ce qu’elle vient d’apprendre. La jeune fille comprenait, en effet, tous les propos que les herbes tenaient entr’elles ; elle fut cependant attrapée par un homme qui lui demanda par surprise : ‘Quelle est l’herbe qui pousse parmi les champs sur les petits sentiers ?’ L’armoise, s’écrit-elle, et à l’instant même elle oublia tout ce qu’elle savait ; depuis ce temps, dit-on, on nomme l’armoise Zabutko, c’est-à-dire herbe de l’oubli ».
Les serpents initiateurs – Asclépios et Hygie ne semblent pas bien loin – apprennent à cette jeune fille (émule d’Artémis ?) les secrets des simples, qu’elle ne peut faire autrement qu’oublier sur la pression d’un homme surgi de nulle part, menaçant comme semblent le suggérer les mots « attrapée » et « par surprise ».
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